Le sommet européen du 21 février dernier s’est soldé par un échec, et c’est sans doute une bonne nouvelle pour notre agriculture. La dernière proposition du président du Conseil européen Charles Michel, pourtant préparée avec l’aval de la France et l’Allemagne, a été retoquée par Emmanuel Macron, qui a enfin décidé de « se battre pour une PAC au rendez-vous de nos ambitions ».
Cette lucidité tardive est un bon signal, car un accord aurait définitivement amputé les ressources agricoles de 50 milliards d’euros, entraînant une baisse du budget PAC de 15 %. Mais il en faudra davantage pour amortir la baisse inéluctable de nos droits à paiement de base (DPB). En la matière, les grandes cultures ont déjà donné. Les exploitations du Nord de la France ont perdu 100 €/ha entre 2010 et 2018. C’est la conséquence de la convergence, et du choix politique de transférer à d’autres secteurs jugés plus prioritaires.
Le résultat n’est pas étonnant : environ 20 % des exploitations françaises de grandes cultures ont un résultat négatif depuis 2017. Les céréaliers et betteraviers français, qui perçoivent 75 €/ha de moins que leurs homologues allemands, font partie des systèmes les moins aidés, et n’émargent au deuxième pilier que pour un niveau dérisoire d’environ 30 €/ha. Un nouveau transfert serait illégitime, et la baisse du budget européen finira par achever nos modèles d’exploitation encore familiaux.
À moins que le Green Deal ne constitue l’opportunité historique d’une nouvelle croissance, avec un chiffre d’affaires lié à une valorisation du carbone et à des services environnementaux. Nous en sommes encore loin, et les stratégies Farm to Fork et Biodiversité, dévoilées d’ici la fin du mois, seront sans doute des contraintes de plus, avec des objectifs draconniens de réduction de phytosanitaires et d’engrais, ainsi que des obligations supplémentaires de surfaces agro-écologiques.