Les discussions vont bon train à Bruxelles, à Paris et dans nos régions sur l’avenir de notre Politique Agricole Commune. Le moins que l’on puisse dire, c’est que le niveau d’inquiétude ne cesse de croître au gré de ces échanges. Au niveau européen, le Commissaire a manifestement des difficultés à entendre notre besoin d’outils de gestion de crise. Quand l’intervention est évoquée pour notre secteur, celui-ci semble la balayer d’un revers de main quand le Parlement continue à tenir avec conviction la position… En pleine crise sanitaire et économique, on reconnaît la légitimité de l’intervention publique. En agriculture, cette même puissance publique a toute vocation à intervenir en cas de crise exceptionnelle. Face au manque d’ambition qu’a connu l’Europe sur l’achat des vaccins, les citoyens tout comme les agriculteurs attendent de l’Europe qu’elle les protège. Au niveau français, nous ne sommes pas non plus à un paradoxe près. Le quinquennat de notre président a débuté par des États Généraux de l’Alimentation demandant aux filières d’élaborer des plans stratégiques de filières « crantant » des ambitions de développement et de transformation.
Notre ministère de l’Agriculture vient de mettre sur la table les premières options envisagées et le contrepied semble être pris. Convergence, éco-régime difficilement atteignable pour tous, maintien de larges programmes de paiements couplés reconnus pour leur faible efficacité, peu d’ambition affirmée pour des programmes opérationnels dynamiques… Et nous ne nous épancherons pas sur les réflexions autour de la dégressivité et d’éventuels forfaits de soutiens bonifiés pour les toutes petites exploitations. Les propositions sur la table constituent une véritable chausse-trappe vers la décroissance pour nos systèmes de grande culture : baisse des soutiens, renforcement des contraintes sur les rotations détachées de toute réalité de nos marchés, sans volonté réelle de dynamiser la structuration de filières d’avenir. Avec mes collègues présidents des associations spécialisées de grandes cultures, il nous a semblé primordial de lancer un cri d’alarme sur un projet de nature à affecter gravement le revenu des 110 000 exploitants de grandes cultures français qui cultivent un quart des terres arables françaises et l’ensemble des filières qui en dépendent. Pour la filière betterave plus spécifiquement, les enjeux sont terrifiants. Les distorsions de concurrence que nous connaissons face à nos collègues européens sont insupportables quand nos soutiens PAC sont de 100 €/ha inférieurs à nos collègues allemands, de 150 €/ha inférieurs à nos collègues hollandais et de 380 €/ha inférieurs à nos collègues polonais ! Et les propositions sur la table sont de nature à accroître ces distorsions.
Notre filière va être vigilante sur les éco-régimes afin de s’assurer que les différentes voies soient accessibles aux systèmes de cultures betteraviers. Et concernant les programmes opérationnels, ils peuvent constituer un formidable outil pour continuer à transformer et à relancer notre filière. Ils pourraient être de nature à accueillir des dispositifs mutualisés de gestion des risques (économique ou sanitaire) pour permettre d’amortir les coûts durs que peut rencontrer notre filière. Cette réflexion sur la gestion des risques devra être amplifiée dans le cadre des discussions sur le second pilier, pour accompagner l’adaptation de nos exploitations face à la multiplication des aléas, tout comme un large chapitre devra être ouvert sur le soutien à l’investissement pour l’amélioration de la performance de nos fermes. Soutenir pour adapter, transformer et développer la ferme France va devoir rester notre maître mot dans les semaines qui viennent, pour conforter cette souveraineté agricole à laquelle nous restons viscéralement attachés.