Résumé de la table ronde – “Marchés du sucre : quelles perspectives ?”, organisée à l’occasion de l’assemblée générale.
L’après-midi a été consacrée aux marchés du sucre, mondiaux et européen.
Concernant le marché mondial, particulièrement chahuté en ce moment même s’il reste à des niveaux records, Olivier Crassard, directeur du département analyse du Groupe Sucden a souligné son caractère intrinsèquement volatil. Et cette volatilité ne devrait pas baisser, d’après Sébastien Abis, directeur du club Demeter et chercheur associé à l’IRIS, car elle est de plus en plus liée à un volet géopolitique, alors que les grandes puissances sont de moins en moins coopératives entre elles et que les tensions politiques s’invitent sur les marchés des matières premières.
Pour autant, faut-il que les planteurs européens se détachent du marché mondial ? Arwin Bos, président de la coopérative sucrière Cosun, au Pays-Bas, tout comme Stefan Streng, président de la confédération des planteurs de betterave du sud de l’Allemagne, soulignent que les normes de production européennes, toujours plus contraignantes, rendent difficile la compétition des planteurs sur un marché mondial globalisé. Pour autant, Guillaume Gandon, planteur de betterave dans l’Aisne, président du syndicat betteravier de l’Aisne, vice-président de la CGB et président de la commission économique de la CIBE souligne que, en tant que betteravier, ce marché doit continuer à être vu comme un marché d’intérêt, lorsqu’il est rémunérateur. A une condition cependant : si on parvient à s’échapper à cette volatilité récurrente, par exemple en appuyant les prix de betterave sur un positionnement sur le marché à terme du sucre – ou tout autre mécanisme qui reste à inventer.
Se concentrant ensuite sur le marché européen, les intervenants soulignent l’importance de la problématique ukrainienne et son afflux de sucre (de l’ordre de 700.000 tonnes), qui vient bouleverser les récents équilibres, selon Olivier Crassard, et pèse sur le marché européen. Si Sébastien Abis estime que cette problématique n’en est qu’à son commencement, et devra se raisonner à l’orée d’une éventuelle adhésion du géant agricole ukrainien à l’Union européenne, Guillaume Gandon souligne que les planteurs européens, qui soutiennent leurs confrères ukrainiens, n’ont pas les moyens de financer, pour autant, leur effort de guerre ! Il estime que des mesures novatrices devraient être proposées – par exemple, réfléchir à ce que le sucre ukrainien, qui n’est pas « Green Deal-compatible », soit exclusivement réservé à un usage non-alimentaire.
Car le prix actuel du sucre sur l’Union reflète avant tout les efforts que la filière accomplit afin de répondre aux ambitions de ce Green-Deal. Si Stefan Streng considère que le Green Deal nous conduit dans la bonne direction, il souligne à quel point cette politique provoque un renchérissement des coûts de production agricole : le rythme de progrès doit être raisonnable. Arwin Bos acquiesce : on ne pourra relever le défi environnemental qu’avec l’aide la technologie, qui implique que les agriculteurs gagnent leur vie. Lorsqu’un agriculteur dégage des marges, il investit dans des nouveaux matériels et des technologies plus vertueuses : il faut l’y encourager ! Et cela vaut pour toute la filière : la décarbonation ne se fera que si la filière a les moyens économiques d’investir.
Guillaume Gandon conclut en mettant en garde sur un retournement de marché futur. Selon lui, on ne peut que constater qu’aucun filet de sécurité européen n’existe, et qu’il est désormais impossible, vu les coûts de production, de revenir à une betterave payée 25 €/t. Ce sujet doit être travaillé, dans le cadre de la prochaine PAC avec la Commission européenne : c’est un dossier prioritaire !