Jaunisse où en est-on ?
Deux ans après le début du PNRI, quelles sont les solutions disponibles ? Quelles sont les perspectives pour les betteraviers ?
Deux ans après son lancement en janvier 2021 et à un an de son terme prévu, où en est le plan national de recherche et d’innovation (PNRI) lancé en urgence, en réponse aux ravages causés par la jaunisse sur la betterave lors de l’été 2020 ? Que donnent les recherches en cours pour lutter efficacement contre les pucerons et la propagation des virus de la jaunisse en l’absence de néonicotinoïdes ? Quelles pistes apparaissent les plus prometteuses et surtout, est-ce que les betteraviers disposeront d’alternatives efficaces et compétitives ?
Le PNRI (Plan National de Recherche et d’innovation) est un vaste projet de recherche porté conjointement par l’INRAe et l’ITB. Articulé autour de 25 projets distincts, il est doté d’un budget total de 20 M€ dont 7 M€ de fonds publics et fédère acteurs privés et recherche publique dans le but commun de trouver des solutions alternatives de lutte contre les pucerons et la jaunisse de la betterave. Alors qu’il est mis en œuvre depuis 2 années et qu’il doit encore se poursuivre 2023, il était essentiel de faire un point d’étape avec les principaux protagonistes :
Alexis Hache, Président de la commission environnement de la CGB
Henri Havard, Délégué Interministériel pour la filière sucre
François Desprez, Président de la section Betterave et chicorées – Union Française des Semenciers
Philippe Mauguin, PDG de l’INRAe
Alexandre Quillet, Président de l’ITB
Les semenciers sont à l’œuvre pour proposer des variétés qui tolèrent la jaunisse. A ce stade, des variétés tolérantes vont arriver prochainement sur le marché (2024), elles limiteront les pertes de rendement à 10 ou 15% en cas de forte attaque de jaunisse. Toutefois, ces variétés ne seront pas équivalentes aux meilleures variétés traditionnelles d’aujourd’hui : leur potentiel de productivité (sans jaunisse) devrait être inférieur aussi de 10 à 15%. Il faudra donc encore 2 ou 3 ans pour obtenir des variétés avec à la fois un niveau de productivité équivalent aux standards actuels et une bonne tolérance à la jaunisse. C’est ce qu’a déclaré François Desprez, le président de la section betterave de l’Union Française des Semenciers (UFS). Deux autres pistes ont un effet pour repousser les pucerons, a expliqué Alexandre Quillet, planteur et président de l’ITB (Institut Technique de la Betterave) : une phéromone et une plante compagne, l’avoine rude. L’impact sur les pucerons est réel, mais l’utilisation au champ n’est pas encore opérationnelle. Il reste à trouver le bon itinéraire technique.
En revanche, quatre autres pistes testées depuis deux ans n’ont pas encore donné de bons résultats : le biocontrôle, le lâcher d’auxiliaires, la loline (un insecticide naturel produit par la fétuque) et les bandes enherbées ou fleuries. Sur ces quatre pistes, la recherche continue car les résultats ne sont pas encore à la hauteur des espérances. Reste la solution chimique (hors périmètre du PNRI) avec plusieurs substances actives utilisables. Au-delà du Teppeki et du Movento, un nouveau produit pourrait être homologué.
La dérogation pour la 3e et dernière année du PNRI va être instruite dans les toutes prochaines semaines par le Conseil de surveillance et tout indique qu’elle sera accordée, a précisé Henri Havard, le délégué interministériel à la filière sucre avec une publication fin janvier. Reste que pour les semis 2024 et au-delà, l’Etat n’envisage pas, à date, de prolonger la dérogation pour pouvoir utiliser des NNI. Faute de solutions, la CGB n’exclut pas de demander le renouvellement de cette dérogation pour 2024.
« Il risque d’y avoir un gros trou d’air pour les betteraviers qui sans recours aux NNI et sans recours à des solutions viables, opérationnelles et économiques risquent de baisser leurs surfaces de betteraves et mettre des usines en péril. Ce sont les dix dernières tonnes qui font le revenu betteravier », a déclaré Alexis Hache, planteur dans l’Oise.
Une compensation financière pour couvrir le risque des planteurs a été évoqué dans la boite des outils possibles. Franck Sander n’écarte pas cette solution a priori, mais ne la considère pas satisfaisante et préfère miser sur l’innovation dans l’itinéraire cultural.