Au moment où vous lirez ces lignes, j’espère que le vote du projet de loi à l’Assemblée nationale aura trouvé une issue positive. Quel tourbillon s’est emparé de notre filière depuis le 20 avril dernier, date à laquelle les premiers betteraviers nous ont alertés des attaques massives de pucerons sur leurs parcelles. Il fallait parer au plus pressé et demander des dérogations pour pouvoir recourir plus largement aux produits à disposition utilisables en végétation. Hélas, à défaut d’être coûteux, ce ne fut pas suffisant… Et vint le mois de mai où les parcelles commencèrent à jaunir semaine après semaine.
Aujourd’hui,on sait que toute la France betteravière fut contaminée, avec l’équivalent de 40 % de nos betteraves qui vont perdre en moyenne 40 % de leur productivité, selon les derniers pointages de l’ITB. Chronique d’un drame. Il nous a fallu alerter sur cette situation, amener sur le terrain nos représentants parlementaires, tout comme notre ministre de l’Agriculture, afin que chacun prenne conscience de l’impasse technique et du gouffre au bord duquel se trouvaient les agriculteurs et, au bout des champs, les sucreries.
Un nouveau ministre fut nommé. Au bout de deux jours, il était dans un champ de betteraves seine-et-marnais et il prit conscience de la situation. Parallèlement, les régions se mobilisaient en appui à toute notre filière. Ainsi, le 6 août, alors que notre ministre s’orientait vers une mise sous perfusion de la filière, il eut le courage politique de rouvrir le dossier de la « loi biodiversité ». Loi qui ignorait les situations d’impasse technique, loi qui négligeait un sujet qui va continuer à grandir : l’urgence sanitaire.
Le texte qui est passé devant l’Assemblée nationale doit nous donner trois ans de possibilité dérogatoire d’usage des néonicotinoïdes afin de protéger nos betteraves contre les ravages de ces jaunisses. Le débat parlementaire ne se finit pas là, car le texte doit aussi être passé au crible par nos sénateurs et, qui sait, peut-être qu’une commission mixte paritaire devra permettre de trouver un compromis entre nos deux chambres.
Ces trois ans, si nous les obtenons, devront être mis pleinement à profit. D’abord, la filière a fait preuve de responsabilité en proposant un plan de prévention contre les jaunisses, mais également destiné à favoriser le développement des pollinisateurs et autres faunes auxiliaires.
Et puis, il y a un plan de recherche qui va nous permettre de rassembler l’ensemble des acteurs de la filière grâce à une enveloppe de 7 M€ pour accélérer l’obtention de nouvelles solutions. Que l’Inrae investisse plus largement la question betteravière est une bonne chose au regard des compétences que l’on peut y trouver. Aussi, la CGB avait soutenu depuis un an la constitution d’un projet de recherche sur la jaunisse regroupant la société Deleplanque, l’ITB, l’Inrae, ainsi que les trois grandes régions betteravières que sont l’Île-de-France, les Hauts-de-France et le Grand-Est.
Aujourd’hui, l’ensemble des entreprises semencières appellent à mettre en commun leurs forces pour aboutir, au plus vite, à de nouvelles solutions. Nous ne pouvons que nous en féliciter et apporter notre soutien. Le constat est simple : il nous reste 1 000 jours pour réussir, et nous avons une responsabilité collective au niveau de l’État et des collectivités, de la recherche publique comme privée, tout comme au niveau de l’ensemble de notre filière pour transmettre à nos enfants des exploitations betteravières pérennes, d’où on continuera à voir « fumer » des sucreries au moment où l’automne arrive.
La Tribune de Franck Sander – président de la CGB